Les méfaits de la chaleur. Victime d’une insolation.
Parmi les préjugés qui se sont enracinés dans l’esprit public, la croyance aux influences malignes des canicules est de même établie ; selon les uns, ce sont les fièvres qui sévissent à cette époque ; suivant les autres, c’est un moment redoutable où les maladies se font le plus généralement sentir
« Qui veut mentir n’a qu’à parler du temps. » Ce proverbe fort répandu, semble n’avoir jamais reçu d’application plus rigoureuse que dans ce moment. Qui le croirait ? Nous sommes dans la canicule, c’est-à-dire dans la période la plus chaude de l’année ! écrit l’astronome Gabriel Dallet en juin 1890.
D’où viennent ces croyances et quelle foi peut-on y ajouter ? La notion de l’influence néfaste des canicules remonte au temps des Égyptiens ; mais, comme pour la plupart des traditions, la signification que ces superstitions avaient à leur origine, ainsi que l’importance qu’on y attachait, ont singulièrement changé.
Tous les écrivains qui ont parlé de l’Egypte s’accordent à dire que les prêtres égyptiens, seuls dépositaires de la science, faisaient jouer un grand rôle à l’étoile Soth, Sothis, Siriad ou Sirius. Ce fut au moyen des observations, faites dans les collèges de prêtres, des levers et des couchers héliaques de cette brillante étoile qu’on détermina la période célèbre connue sous le nom de période sothiaque, dont la durée était de 1461 ans.
Voici de quelle manière ils étaient parvenus à la déterminer. L’année civile était égale, en Egypte, à 365 jours au lieu de 365 jours 1/4 ; ces quarts de jour accumulés faisaient tous les 4 ans rétrograder l’année solaire d’un jour entier, ce qui la rendait vague et indéterminée. Après 1460 ans, on comptait donc 1460 quarts de jours ou 365 jours, soit une année de plus qui s’ajoutait aux précédentes et le cycle caniculaire recommençait, car 1460 années solaires faisaient exactement 1461 années civiles égyptiennes.
Les prêtres égyptiens crurent avoir fait une découverte de génie en inventant leur période sothiaque et des fêtes religieuses furent instituées pour célébrer le retour de cette époque qu’ils connaissaient seuls et qu’ils exploitaient. Ils faisaient prêter serment à tous les rois, dès leur avènement, de laisser l’année vague et de ne jamais consentir à l’intercalation de bissextiles qui eussent rendu l’année fixe.
Le jour initial rétrogradant, les fêtes et les travaux se trouvaient changés et l’inondation du Nil, ce bienfait de l’Egypte, arrivait pour les Égyptiens à une date indéterminée. Les prêtres, au moyen du cycle caniculaire, connu d’eux seuls, rétablissaient les dates de ces événements et pouvaient les prédire.
C’est également à l’aide des levers héliaques qu’ils annonçaient les jours caniculaires, c’est-à-dire l’époque des grandes chaleurs et des maladies qu’elles amènent avec elles, qui coïncidait à peu près avec les grandes crues du Nil, ce qu’on attribuait à Sirius (canicule). C’est là, nous explique Dallet, l’origine des jours caniculaires, qui, pour nous, durent du 12 juillet au 23 août, et pour les Anglais (dog days), du 3 juillet au 11 août.
Ce cycle caniculaire, suivant les croyances superstitieuses, devait ramener les mêmes événements, et les mêmes phénomènes, parce qu’on pensait que tout ce qui se passait sur la terre dépendait des aspects célestes.
On a remarqué que chaque renouvellement de la période sothiaque était signalé par un règne heureux. Antonin gouvernait en 138 et Henri IV en.1598. Or, ces deux dates correspondent à l’année initiale d’un nouveau cycle caniculaire.
A celte période de 1461 ans, correspond la fable du Phénix, qui, après une vie errante de 1461 ans, mourait et renaissant de ses cendres, recommençait une nouvelle carrière du même nombre d’années ; c’était ainsi la base de la période de l’âge d’or si souvent chanté par les poètes.
Chez les Romains et chez les Grecs, les canicules avaient déjà perdu leur véritable signification, bien que le souvenir de la mauvaise étoile (Sirius) se soit répandu chez eux, car ils avaient coutume de lui sacrifier tous les ans un chien roux. On ne voyait déjà plus à cette époque, dans les canicules, que le moment où soufflaient les vents du Sud (élésiens), que l’on redoutait comme funestes. Ces vents, engendrés au-dessus du Sahara, ont de tout temps reçu le nom de samoun, simoun, samiel, de l’arabe samma, qui veut dire chaud et vénéneux.
Toutes les maladies qui accompagnent les grandes chaleurs étaient imputées aux canicules ; aussi, les médecins ordonnaient-ils, d’après les préceptes d’Hippocrate et de Pline « de ne pas se faire saigner, de boire médiocrement, de peu dormir et d’éviter de prendre des bains ».
On peut accepter, à la rigueur, écrit encore notre astronome, que, dans l’origine, on ait fait coïncider certaines maladies avec le lever héliaque de Sirius ; mais on ne doit pas admettre que cette croyance persiste, car, outre que la raison nous indique la fausseté de semblables hypothèses, nous savons que, par l’effet de la précession des équinoxes, le lever héliaque de Sirius (autrement dit la canicule) n’a plus lieu que lorsque les jours caniculaires sont passés.
Source