La Tour d'Ordre, ou aussi Tour d'Odre est un phare romain, modifié au Moyen Âge, écroulé en 1644, qui dominait le port de Boulogne-sur-Mer. Il est le premier phare français dont l'existence est avérée.
Ce monument disparu n'est connu que par des écrits et des dessins anciens.
Histoire des phares de BoulogneL'origine du phare romain remonte aux années 39 ou 40, au moment du projet de débarquement de Caligula en Grande-Bretagne.
La tour, d'importance militaire, est immédiatement édifiée sur une éminence, près du port de GesoriacumLP 1 : on la désigne sous le nom de « phare ou tour de Caligula ». Le projet de débarquement est abandonné, mais la tour remplit son rôle jusqu'à la chute de l'Empire romain et aux invasions de la fin du ve siècle.
Abandonnée dans la période qui suivit, elle fut restaurée ou reconstruite, sur ordre de Charlemagne vers 810, selon Éginhard biographe de l'empereur carolingienLP 2.
Elle prit alors son nom de « Tour d'Odre » (ou encore dite « le Vieil Homme »).
En 1544, lors du siège de Boulogne, les Anglais en font une forteresse par l'adjonction d'un rempart de brique défendu par quatre tours ou bastions d'angles.
Avec le recul du trait de côte, la falaise a fini par s'éroder et atteindre le bord de la fortification anglaise et dangereusement s'approcher des fondations de la tour.
Le 29 juillet 1644, un dernier bloc de falaise de craie s'effondre en emportant une partie de la tour-phare. Des vestiges restent visibles jusqu'en 1930.
Il existe encore à Boulogne-sur-Mer une « rue de la Tour d'Odre », à proximité du site de la tour, près de l'actuel boulevard Sainte-Beuve.
Variantes du nom et étymologie possibleLa forme la plus courante aujourd'hui semble « tour d'Ordre » ; mais « tour d'Odre » est une appellation bien vivante localement, peut-être même plus exacte.
Tour d'Odre au xviiie siècle. On voit la progression de la mer et la régression de la falaise.
L’Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, dans un article signé du chevalier de Jaucourt, propose une étymologie généralement retenue par les commentateurs :
« Tour d'ordre, (Littérat.) nom que porte le phare de Boulogne, & que M. de Valois rend par les mots de turris ordinis ; cependant ni le mot françois ordre, ni le latin ordo, ne paroissent être l'origine d'une pareille dénomination. Ce phare est très-ancien, & ayant été construit pour diriger le cours des vaisseaux qui abordoient à Boulogne, ville autrefois célèbre par son commerce ; il fut réparé par les soins de Charlemagne. Son ancien nom étoit Ordrans, comme on l'apprend de la vie de S. Folenin évêque de Terrouenne ; mais Ordrans paroît une légère corruption d'Ordans. Plusieurs croient avec assez d'apparence, que turris Ordans s'étoit fait de turris ardens, la tour ardente, ce qui convenoit parfaitement à une tour où le feu paroissoit toutes les nuits. »
D'autres étymologies sont proposées : le nom « Ordre » pourrait aussi provenir d'un lieu-dit voisin, « Hosdre », ou bien provenir du mot celte « aod » signifiant « rivage, côte ».
Architecture et dimensionsLes sources et l'iconographie décrivent et montrent le phare de Boulogne (tour d'Ordre ou tour d'Odre) comme un haut édifice constitué de douze étages octogonaux disposés en degrés ou en spirale et d'une lanterne propre à émettre le feu. Selon les sources, on relève des hauteurs supposées de 40 m à 65 m3.
Homologues architecturauxLe phare jumeau de DouvresSon correspondant britannique de Douvres, connu sous le nom de « Roman lighthouse » ou encore « Pharos », a été édifié en 43, juste après l'invasion romaine : c'est une tour octogonale de 24 m de haut, qui présente encore aujourd'hui quatre niveaux romains et un couronnement médiéval. On a ainsi une idée de ce que devait être, à l'origine, le phare romain de Boulogne, de même forme, de même date et de même facture.
Beffroi de Boulogne-sur-MerDans la vieille ville (dont le plan serait peut-être encore celui du camp romain), se trouve une autre tour, le beffroi (xie siècle, inscrit en 2005 sur la liste du patrimoine mondial par l'UNESCO), aux allures de phare antique, surtout depuis l'adjonction d'un couronnement octogonal en 1720. Cet ancien donjon du château comtal servit de tour de transmission, du temps du télégraphe Chappe.
IconographieGravure du XIXe siècle représentant la tour au moyen âge
Un dessin de Joachim Duviert, daté de 1611, montre une tour d'Ordre octogonale à douze degrés, avec une lanterne au sommet. Le phare se trouve au sommet de la falaise ; le port de Boulogne est au premier plan, protégé par des quais maçonnés. Un grand voilier, à l'arrière-plan, a ses parties basses masquées par les vagues. (Dessin de Joachim Duviert (1611) [archive])
Une gravure du xviie siècle montre la tour entourée de remparts, sur la falaise. On distingue onze niveaux octogonaux, de hauteur et largeur décroissantes, avec une lanterne. Le rempart a des tours carrées ; on distingue trois tours. Les tours et les murs sont crénelés.
Deux gravures, dans le style des éditions du xixe siècle, montrent :
l'une, une vue générale de Boulogne-sur-Mer : on distingue au premier plan la ville, avec ses églises et ses fortifications ; le phare domine l'échancrure du port. On aperçoit la côte anglaise à l'horizon ;
l'autre, une reconstitution de la tour avec ses douze niveaux octogonaux de largeur décroissante, la lanterne en sus. (Gravures du xixe siècle.
Source