Illustration des "quatre chefs de la première croisade"
La première croisade s'est déroulée de 1095 à 1099 à la suite du refus intervenu en 1078 des Turcs seldjoukides de continuer à laisser le libre passage vers Jérusalem, accordé par le pacte d'Umar, aux pèlerins venus d'occident. Cette croisade s'achève par la prise de la ville et la création du royaume chrétien de Jérusalem.
PrémicesEn 1071, les Seldjoukides font irruption en Asie Mineure après la bataille de Manzikert où les Byzantins sont vaincus. Ces derniers ne peuvent empêcher les Turcs de s'établir à Nicée en 1078 et d'y fonder un royaume en 1081. À la fin du xie siècle, Alexis Comnène, dont l'empire se trouve gravement menacé dans sa partie orientale, demande à plusieurs reprises l'aide de Rome contre l’envahisseur.
En 1078, les Seldjoukides chassent de Jérusalem les Fatimides qui gouvernaient la région depuis 970. À une période de relatif libre accès à la Ville sainte par les pèlerins, se substitue le massacre par les Turcs de la totalité de ses habitants et la soumission des autres populations chrétiennes aux vexations et à l'esclavage. Les Turcs enfin coupent l'accès par la route continentale, depuis l'Europe, tout au long de l'Asie Mineure.
En 1087 se déroule la campagne de Mahdia, une expédition punitive sur la ville nord-africaine de Mahdia par une flotte des républiques maritimes de Gênes et Pise. Carl Erdmann(en), historien de la croisade, en considère ce raid comme un précurseur direct. En effet pour la première fois, l'Indulgence est accordée par un pape (Victor III) pour toute action militaire visant un État musulman.
Le concile de ClermontEn 1095, lors d'un séjour en France, le pape Urbain II prend acte de l'exaspération des pèlerins à qui les Turcs barrent dorénavant la route de Jérusalem, et répond à la demande d'Alexis. Ainsi, le 27 novembre 1095, au cours du concile de Clermont, qu'il a fait réunir, le pape lance un appel à la croisade et prêche pour secourir l'empereur et la libération de la Terre sainte. En échange de leur participation à la croisade, il promet le pardon de leurs péchés aux chevaliers qui iraient porter secours aux chrétiens d'orient.
Il désigne Adhémar de Monteil, évêque du Puy, pour diriger cette campagne.
Il s'agit aussi, pour la papauté, de renforcer son autorité en rassemblant, dans un projet commun, une noblesse occidentale turbulente et guerrière.
La croisade populaireLe petit peuple réagit en grand nombre, notamment en Berry à l'appel de Pierre l'Ermite qui lance son fameux « Dieu le veut », en Orléanais, à Poissy où Gautier Sans-Avoir le rejoint, en Champagne et en Lorraine. Le 12 avril 1096, c'est avec quelque 15 000 pèlerins qu'ils parviennent sur les bords du Rhin.
Entre avril et juillet 1096, les Croisés se livrent à des massacres ou conversions forcées contre les communautés juives de Spire, Worms et Mayence, puis à Cologne — où, malgré la protection épiscopale, la synagogue est brûlée avant que soient tués les Juifs refusant la conversion —, puis à Trèves, Metz et Ratisbonne. Ces massacres donnent lieu aux Memorbücher (livre de la mémoire listant le nom des martyrs) et à de nombreux Pyyoutim (poèmes liturgiques) rappelant aussi la mémoire de ces événements.
Gautier, emmenant une majorité de Français, quitte le premier Cologne et gagne la Hongrie où le roi Coloman lui accorde le libre passage. À Semlin, dernière place hongroise avant le territoire romain, des incidents avec les Hongrois se soldent par la pendaison de seize croisés pillards. Arrivant à Niš le 18 mai, Gautier continue sa route via Sofia, Philippopoli et Andrinople jusqu'à Constantinople, qu'il atteint le 20 juillet sous escorte byzantine.
Les troupes de Pierre l'Ermite atteignent à leur tour Semlin, qu’ils prennent d'assaut après le refus des autorités de leur fournir du ravitaillement. D'après le chroniqueur Albert d'Aix, ils auraient agi ainsi après avoir vu, suspendus aux remparts, les armes et vêtements des seize croisés pendus par les Hongrois.
Ils investissent ensuite et pillent Belgrade, désertée par ses habitants qui avaient trouvé refuge sur l'autre rive de la Save. À Niš, les troupes de Pierre sont encadrées par le gouverneur Nicétas, qui leur permet de continuer leur chemin à la condition expresse de ne désormais pas s'arrêter plus de trois jours devant une ville.
Cette troupe se présente finalement devant Constantinople le 1er août. Là, l'empereur leur conseille, dans un premier temps, d'attendre la croisade menée par les barons, mais devant leurs excès, il leur fait traverser le Bosphore le 6 août et leur assigne la place forte de Kibotos. Les Turcs leur donnent alors méthodiquement la chasse et les tuent « comme des bêtes fauves ». Avec leurs ossements, ils élèvent une gigantesque pyramide que les chevaliers croisés retrouveront sur leur passage.
En septembre, ils rejoignent les environs de Nicée, et une troupe, dirigée par un noble italien du nom de Renaud, s'empare de la forteresse de Xerigordon. Le 29 septembre, le sultan Kilij Arslan reprend la place forte.
Le 21 octobre 1096, las d'attendre, ils se remettent en mouvement vers Nicée, mais sont exterminés à peine sortis de Kibotos. Gautier Sans-Avoir, Hugues de Tubilingue et Gautier de Teck perdent la vie dans ce combat. Sur 25 000 hommes, seuls 3 000 parviennent à regagner les frontières de l'Empire, où ils attendront la croisade des barons.
Les maladies et la famine continuant à décimer de plus en plus les croisés, Pierre l'Ermite lui-même désespère du succès de l'expédition. Du reste, le désordre le plus complet règne dans l'armée. L'espionnage des musulmans y est tellement fréquent que Bohémond les menace d'être coupés en morceaux et rôtis pour servir de nourriture aux soldats affamés. La propagande arabe reprendra ces menaces après les croisades pour discréditer Bohémond.
En parallèle à la croisade de Pierre l'Ermite, d’autres bandes s’illustrent par de nombreux actes de barbarie. Ce sont les bandes de Volkmar, de Gottschalk, d’Emich de Flonheim et d’Emich de Leisingen.
Volkmar et environ 12 000 hommes passent par la Saxe et la Bohême, massacrant des civils à Ratisbonne et à Prague avant d'être dispersés en Hongrie.
Le prêtre allemand Gottschalk regroupe une bande de 15 000 hommes et se rend en Hongrie où ces derniers commettent différents méfaits avant d’être massacrés ou capturés par les Hongrois.
Emich de Leisingen, enfin, chevalier-brigand du Rhin, se livre à des pillages dans les villes qu’il traverse durant le mois de mai : Metz, Spire, Trèves, Worms, Mayence et Cologne.
Loin d’être désorganisée, la troupe d'Emich de Leisingen, où figurent de nombreux seigneurs (Thomas de Marle, Guillaume le Charpentier, Clarembaud de Vendeuil, Drogon de Nesles) s’étant vu refuser l’entrée en Hongrie, entreprend le siège de Wieselburg où elle est écrasée par les Hongrois. Emich réussit à s’enfuir et regagner son pays tandis que Thomas, Clarembaud et le Charpentier rejoignent Hugues de Vermandois.
La croisade des baronsLe succès de l’appel de Clermont dépasse les espérances du pape et paraît difficilement explicable. L’évolution de la condition matérielle et de l’idéal chevaleresque au cours du xie siècle a dû en favoriser le retentissement en créant un état de disponibilité. Le départ en Orient est un moyen de s’affranchir de la contrainte du lignage, en un temps où le mouvement de paix et le resserrement des liens vassaliques limitent les occasions d’aventure. La croisade réalise la fusion de l’esprit féodal et des préceptes chrétiens (le chevalier réalise au service du Christ et de l’Église son devoir vassalique).
L’appel à la croisade, adressé surtout à la noblesse du sud de la Loire, d’où est issu Urbain II, dépasse largement ce cadre : Aux Provençaux s’ajoutent Godefroy de Bouillon, duc de Basse-Lotharingie, son frère Baudouin, Hugues de Vermandois, frère du roi de France Philippe, avec des chevaliers français, champenois et le groupe conduit par Robert Courteheuse, qui confie le duché normand à son frère, Guillaume d'Angleterre, et Étienne de Blois. Le départ est fixé au 15 août.
Le premier à partir est Hugues de Vermandois. Il quitte le Royaume vers le milieu du mois d'août 1096 avec une suite respectable en passant par l'Italie, où il reçoit l'étendard de Saint-Pierre à Rome. Godefroy finance son expédition par la vente ou en hypothéquant certaines de ses possessions, et part également au mois d'août. Bohémond de Tarente, à la nouvelle de ces départs, décide lui aussi de se croiser. Il abandonne le siège d'Amalfi, qu'il était en train d'entreprendre, et passe l’Adriatique avec une petite armée normande et son neveu Tancrède, au début de novembre. Le comte de Toulouse, Raymond, rassemble quant à lui, avec le légat Adhémar de Monteil, la plus grande des armées croisées ; celle-ci traverse la Dalmatie durant l'hiver, non sans difficultés, et parvient à Thessalonique début avril 1097 puis à Constantinople le 21 avril.
Formée de contingents féodaux cheminant isolément, encombrée de non-combattants, la croisade ne répond pas au désir du pape qui l’aurait voulu unie sous la direction d’un légat et d’un chef laïc. Elle répond encore moins aux vœux de l'Empereur, qui avait triomphé des Petchénègues, s’était débarrassé de l’émir de Smyrne et entretenait des rapports pacifiques avec les Seldjoukides du Sultanat de Roum. L’arrivée de la croisade pose aux Byzantins des problèmes de ravitaillement et de surveillance. Cependant, Alexis avait fait préparer des approvisionnements et assuré aux croisés qu’il faciliterait leur passage à condition qu’ils respectent leurs engagements de paix.
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