Hôtel Dieu - Amiens
Les bouleversements de la Révolution n’épargnèrent pas les hôpitaux. Le décret du 18 août 1792 supprime toutes les corporations religieuses y compris celles vouées au service des malades : l’article 2 du même décret précisait cependant « les mêmes personnes continueront le service des pauvres et le soin des malades à titre individuel »… La suppression des corporations en août 1793 par la loi Le Chapelier entraîne la fermeture des académies royales de médecine et de chirurgie.
Jacques Necker (1732-1804), portrait par Jacques Siffrein-Duplessis
Les conventionnels décrètent la nationalisation des biens hospitaliers, le but est de supprimer les secours hospitaliers, car « si la révolution finie, nous avons encore des malheureux parmi nous, nos travaux révolutionnaires auront été vains ». À la fin de la Convention les hôpitaux sont délabrés, criblés de dettes et acculés à la fermeture pour certains : la gestion des établissements hospitaliers est confiée aux administrations locales. Sous le Consulat et sous l’Empire, tous les établissements d’une même commune sont regroupés sous la direction d’une commission municipale. La Guerre à laquelle sont confrontés la Révolution puis l’Empire va participer à la reconstruction d’un appareil sanitaire plus structuré. Dès l’An deux, un décret institue la formation accélérée d’Officiers de Santé pour le besoin des armées de la République puis de l’Empire. Le nombre d’officiers de santé militaire passe de 2500 à 10 000 en 1795.
L’enseignement de la Médecine intègre des stages hospitaliers et des leçons cliniques en amphithéâtre dans trois écoles de santé, Paris, Montpellier et Strasbourg qui deviennent École de Médecine en 1795. Sous l’Empire, les médecins sont répartis en deux groupes : les docteurs soumis à quatre années d’études dans les écoles de médecine et terminées par la soutenance d’une thèse. Ils sont totalement libres d’exercer. Les officiers de santé, considérés comme des médecins de second ordre, ne sont pas astreints à fréquenter les écoles de santé et une expérience pratique de cinq à six ans dans un hôpital ou près d’un médecin est sanctionnée par un diplôme délivré par un jury départemental. En France, la loi du 30 juin 1838 confie la gestion aux corporations religieuses des asiles d’aliénés. Les différentes confessions créent leurs propres maisons de santé à côté des hospices communaux, maisons de force et hôpitaux militaires dont les Invalides sont l’ancêtre.
Montpellier, 1804, cathédrale Saint-Pierre et façade sud de la faculté de médecine
La médecine moderne débute peu après l’époque des Lumières, la progression et la codification des sciences dans le monde occidental permit au moins une meilleure compréhension des diverses pathologies. La pratique systématisée des autopsies, reliée aux données cliniques, les progrès de la chimie et de la microscopie ouvrirent de nouveaux champs thérapeutiques qui contribuèrent à spécialiser les médecins et les structures de soin nouvelles sources sans cesse renouvelées de progrès. Le développement de l’hygiène publique (eau courante, égouts, ordures ménagères) qui précédera la découverte du rôle des microbes améliora les conditions de vie au moins pour les classes les plus aisées. La réalisation de la première anesthésie moderne en 1846 par William Morton, dentiste de Boston au Massachusetts General Hospital ouvrit une ère de progrès. Dès lors les chirurgiens disposaient de plus de temps pour réaliser des interventions chirurgicales plus complexes.
Florence Nightingale (1820-1910)
Les premières guerres « modernes », celle de Crimée ou le conflit Nord–Sud aux États-Unis verront le développement d’autres progrès médicaux. En Crimée par exemple, une jeune et riche Britannique, Florence Nightingale, pionnière des soins infirmiers modernes aidera à soigner les blessés et contribuera à valoriser ce métier jusqu’alors injustement méprisé. En 1847 Ignace Semmelweis, martyr de la médecine, met en évidence le rôle létal des médecins dans la diffusion des infections de par leur absence revendiquée d’hygiène : le simple lavage des mains peut épargner des vies… Il sera relayé par Louis Pasteur qui prône l’antisepsie (stérilisation du matériel chirurgical) lui-même épaulé par Joseph Lister chantre de l’antisepsie ; la vaporisation de phénol dans les secteurs opératoires réduit la mortalité périopératoire de 40 à 15%.
Vers 1905, la séparation de l’Église et de l’État concerne aussi le monde de la Santé. Les Congrégations redistribuent leurs fonds vers la création ou l’entretien d’établissements privés, qui perdurent jusqu’à aujourd’hui. Les débuts de la Première Guerre mondiale sont une véritable catastrophe sanitaire de par l’impréparation des milieux militaires en ce domaine. Dans l’urgence des établissements de soins sont créés dans des lycées, des hôtels, des châteaux, etc… L’époque voit aussi la création des premiers systèmes d’assurance sociale.
Hôpital Necker, Paris, blessés de la Première Guerre mondiale
Les années quarante sont celles de bouleversements sociaux, mais aussi médicaux dus aux différents conflits mondiaux. La transfusion sanguine née au début du siècle, par l’identification des groupes sanguins par Karl Landsteiner, connait des progrès sensibles lors de la guerre d’Espagne grâce au chirurgien canadien Norman Béthune.
Norman Bethune, 1922
La découverte de l’effet antibiotique de certaines moisissures par Fleming en 1928 est prolongée au début du second conflit mondial par l’isolement des premières doses de pénicilline qui sauvera des milliers de blessés et amorce l’ère des antibiotiques qui permettra la régression de pathologies endémiques comme la tuberculose. Une conséquence de ces progrès sera la disparition progressive des sanatoriums et autres aériums. La Seconde Guerre mondiale verra des progrès sensibles en matière d’organisation sanitaire avec la fin des hôpitaux hospices et un renforcement de la gestion publique. Les métiers hospitaliers poursuivent leur spécialisation. Le Conseil National de la Résistance, dont Robert Debré était membre, œuvrera pour une révolution sanitaire majeure à savoir le Régime de Sécurité sociale qui permet une meilleure prise en charge des soins pour les assurés ainsi que la rémunération du corps médical. Les hôpitaux sont financés en fonction de leur production en nombre de journées d’hospitalisation : un « tout compris » pour un service donné, couvre l’ensemble des dépenses de fonctionnement. En décembre 1958, la « réforme Debré » inspirée des États-Unis, institue les Centres hospitalo-universitaires (CHU), lieux de recherche, adossés à des Facultés de Médecine et réunissant praticiens et universitaires. L’hôpital, secteur économique en pleine croissance, devient alors un pôle d’excellence médicale. L’INSERM créé en 1964 vient renforcer la dimension de recherche de ces centres de réputation internationale.
L’Hôpital qui avait progressé sous l’influence de la religion et des conflits poursuit ainsi son développement de manière plus sereine. Les progrès sanitaires ainsi qu’une meilleure qualité de vie favorisent la prolongation de l’espérance de vie. Aujourd’hui on naît dans la très grande majorité des cas à l’Hôpital et on y meurt aussi beaucoup plus que par le passé. Pour l’avenir on peut aussi imaginer un hôpital technologique et non seulement ambulatoire, mais aussi décentré, en réseau social, intervenant au domicile du patient… un retour aux sources en quelque sorte.
Source